• Chapitre 1: Julien

    Je ne crois pas aux coïncidences.

    Aussi, ce matin, lorsque j’ai trébuché et que j’ai percuté madame Dernach, ma concierge, alors que je me trouvais à des centaines de kilomètres de chez moi, en vacances qui plus est, j’ai su que les ennuis commençaient.

    Cela avait toujours été comme ça pour moi, je savais interpréter les signes qui s’offraient à moi, mais, malheureusement, ce « don », s’accompagnait aussi du fait que les embêtements m’aimaient. J’étais comme un aimant pour eux.

    Je resserrai les pans de ma veste contre moi, et frissonnai. Je n’étais pas particulièrement peureux, mais comme à chaque fois, les évènements qui m’arrivaient étaient plus horribles les uns que les autres, je craignais un peu ce qui risquait de m’arriver. La dernière fois, par exemple, je m’étais retrouvé en soutane noire de moine, en train de sonner les cloches dans l’église de mon quartier. Et tout ça pour retrouver un putain de bijou de famille appartenant à mon ex.

    Le pied.

    Je souris en songeant que ce coup-ci je m’en faisais pour rien, que le sort avait peut-être daigné –enfin- m’épargner, et que pire que l’église, c’était un peu difficile à réaliser ! Je n’y croyais pas trop, mais étant donné que j’étais relativement doué pour le mensonge, je réussi à me convaincre à moitié et à profiter de ma journée à la montagne. Après tout, ce n’était pas tous les jours que je pouvais m’offrir des vacances aussi loin !

    J’entrai dans un bistrot pour me protéger du froid extérieur, et commandai un café noir. J’en avais bien besoin.

    J’étais arrivé en train le matin même, lorsque mon patron m’avait offert ma promotion. Oui, moi, Julien Gars, vingt-cinq ans, j’avais eu ma première promotion, à 8h15 exactement.

    Je travaillais dans une petite entreprise locale de journalisme dans le sud de la France, et pour fêter cet heureux évènement, j’avais fait mes valises, et j’avais quitté la petite ville monotone où j’avais élu domicile, pour aller respirer l’air purificateur de la montagne.

    Je n’avais pas loué le matériel de ski dès mon arrivée, profitant de ce moment libre pour souffler un bon coup après d’intenses semaines de travail et me familiariser un minimum avec la station de ski.

    Je jetai un coup d’œil par la fenêtre au moment où la serveuse m’apportait ma commande, et su que j’avais bien fait d’attendre un peu avant de monter sur mes skis. Le temps était minable -brumeux  avec du crachin- alors étant donné mon niveau de champion, je me serai ramassé au bout de trois mètres, et j’aurai été bon pour l’hôpital.

    -         Je vous sers autre chose avec ça ? me demanda aimablement la serveuse me sortant de mes pensées de pessimiste confirmé.

    -         Vous avec le journal local ?

    Je comptais vérifier la météo, inutile de prendre des risques.

    -     Je vous apporte ça tout de suite.

    La demoiselle fit demi-tour, et je l’observai s’éloigner en roulant des hanches. Pourquoi les femmes se sentaient-elles obligées de toutes faire pareil devant moi ?

    Etais-je si irrésistible ?

    J’eus un petit rire cynique, digne des plus grands acteurs d’Hollywood. Si elles savaient à quel point elles étaient pathétiques ainsi !

    Je goûtais du bout des lèvres le jus de chaussette qu’elle venait de m’apporter, qui portait le nom de café et qui allait me coûter la peau du cul, et soupirai. J’espérai que l’hôtel était bien, parce que sinon, cela ne valait même pas la peine de rester ici, je pouvais tout aussi bien aller passer quelques jours chez mes parents. Ils avaient le même café mais moins cher.

    M’interrompant une fois encore, la serveuse m’apporta le journal usé et froissé qui avait du passer entre les mains de tous les clients.

    -         Ce sera tout ?

    J’acquiesçai et feuilletai les feuilles abîmées sans lui accorder la moindre attention en espérant qu’elle comprenne que je ne voulais pas d’elle. Ou bien qu’elle pense que j’étais un gros salaud. De toute manière ça revenait au même.

    Je l’observai s’éloigner et regagner le bar pour discuter, à demi furieuse, avec une fille qui buvait chocolat chaud. Comme je le savais ? Son bol était à l’effigie d’un Mickey avec des moufles.

    Je les vis me fixer ; la serveuse outragée, la jeune fille amusée, et mon cœur fit un bond en découvrant l’identité de la fille. Son sourire s’agrandit, elle m’avait aussi reconnu. Je fis une rapide prière, pourvu qu’elle n’ai pas l’illumination de venir à ma table !

    Je lui adressai un rapide signe de la main, et me penchai sur mon journal, mon sauveur à cet instant là, pour y lire quelque chose. N’importe quoi, mais il fallait que j’aie l’air occupé…

    Quelques secondes plus tard, je dénichai exactement ce qu’il me fallait ; c’était un article sur la station où je me trouvai signalant qu’une cabine de ski était tombée, mais qu’il n’y avait eu aucun mort. Youpi. Passionnant.

    Finalement, cet article m’apporta deux conclusions : la première était que mes sens n’étaient pas morts, qu’il risquait bien de m’arriver quelque chose, et la deuxième était que j’aurai pu devenir acteur, la fille n’était pas venue. N’était-ce pas ce que je voulais, après tout ?

    J’en doutai, mais j’avais toujours été comme ça. J’agissais sans réfléchir, et je récoltais remords et regrets ensuite.

    Mais de toute manière, j’avais bien fait de lui montrer que je ne voulais pas d’elle, elle n’apportait que des ennuis, où qu’elle aille.

    Elle.

    Elle travaillait pour la gendarmerie, et plus d’une fois je m’étais retrouvé entre ses bras… mais avec des menottes ! Il faut dire, pour ma défense, que les journalistes ne sont pas tellement appréciés par les forces de l’ordre, et qu’ils m’avaient dans leur collimateur. Je n’avais pas le temps de faire quoi que ce soit, que j’étais déjà en garde à vue ! Ils pouvaient porter concurrence à Speedy Gonzales !

    Mais elle n’était pas que ça, Elle, c’était aussi la fille de mon patron… qui m’avait démontré, lorsque j’étais arrivé pour bosser chez lui, qu’il ne rigolait pas avec sa fille, et que je n’avais pas intérêt de m’approcher d’elle. Le message avait été très clair.

    Elle, elle avait aussi été la copine de mon meilleur ami, qui lui aussi avait été très clair sur le fait que, même s’ils n’étaient plus ensemble, je n’avais pas à m’approcher d’elle. J’avais si mauvaise réputation ?

    Laissant mon café inachevé, je payai mon dut sans ajouter de pourboire, et sortis en direction de l’hôtel. Mes pensées maussades étaient revenues au triple gallot…

    Le froid était saisissant, bien que l’on ne soit à peine qu’en Novembre, mais cela ne me dérangeait pas, au contraire, cela me changeait du soleil de plomb dont j’avais l’habitude.

    Le sol givré craquait sous mes nouveaux boots que j’avais achetés pour l’occasion, des flocons de neige tombaient sur mes cheveux bruns, le vent s’engouffrait dans ma veste grande ouverte, c’était complètement nouveau pour moi, et je comptais bien en profiter. Faire le plein de sensations.

    -         Monsieur Gars ?

    Je me retournai brusquement. Personne n’était sensé savoir que j’étais là.

    A part ma concierge.

    Mon patron.

    Mon meilleur ami.

    Et la fille de mon patron.

    Bon, rectification, presque personne n’était sensé savoir que j’étais là.

    -         Oui ?

    Mon interlocuteur ne devait pas avoir plus d’une trentaine d’années, et portait des lunettes rondes sur un nez crochu. De plus comme le témoignait ses yeux d’un gris fade fouineur, c’était un chercheur de merde. Et il me cherchait moi. Pas que j’étais une merde, non, mais…

    -         Que faites-vous là ?

    Je lui jetai un regard intrigué avant d’éclater de rire en comprenant. Un chercheur de merde est forcément un journaliste, et je me trouvai sur son territoire.

    -         Je suis en vacances.

    -         Vraiment ? me demanda-t-il d’un air sceptique.

    -         Vraiment.

    -         Dans ce cas…

    Il se trémoussa devant moi d’un air gêné et fit mine de partir.

    -         Attendez !m’écriai-je. Comment me connaissez-vous ?

    -         Disons que nous avons eu vent de cette histoire de cloches ! Vous êtes assez célèbre dans votre métier.

    Et cette fois-ci, c’est lui qui rit narquoisement.

    Ah, ah. Très drôle.

    A croire que cela allait me poursuivre jusqu’à la fin de mes jours.

    -  Au revoir, monsieur Gars.

    -  Au revoir monsieur…

    -  Fenrir. Monsieur Fenrir.

    On ne se serra pas la main, je l’avais trouvé antipathique – on ne se moque pas de quelqu’un au premier abord !- et cela semblait réciproque. Il reprit son chemin tout heureux, et moi je continuai le mien, tentant vainement de me souvenir où se trouvait mon foutu hôtel. Ma journée était définitivement gâchée.

    Je parcouru les rue de long en large sans rien trouver, je n’avais pas du hériter du fameux sens de l’orientation que possédait les hommes. Je me demandais même en cet instant s’il existait vraiment.

    Finalement, au bout de quelques heures à chercher, mes doigts commençaient à ressembler à des glaçons et avaient pris une couleur bleuâtre qui ne me semblait pas vraiment naturelle. Je fus donc obligé de renoncer à mon égo d’homme et de demander mon chemin à une grand-mère qui passait par là.

    Elle m’indiqua amusée la route, et je pus enfin me réchauffer dans une chambre aux tons ocres qui me semblait convenable pour son prix.

    Je m’allongeai sur le lit et fermai les yeux. Il y avait des jours où il valait mieux rester couché.


  • Commentaires

    1
    Ysandir
    Lundi 30 Novembre 2009 à 21:06
    Juste pour signaler une petite faute, tu as écris "triple gallot"
    Je pense que tu seras assez intelligente pour savoir où est la faute !!^^
    2
    Ysandir
    Lundi 30 Novembre 2009 à 21:08
    En tous les cas, c'est un bon début! Bonne chance pour la suite !
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