• Je ne crois pas aux coïncidences.

    Aussi, ce matin, lorsque j’ai trébuché et que j’ai percuté madame Dernach, ma concierge, alors que je me trouvais à des centaines de kilomètres de chez moi, en vacances qui plus est, j’ai su que les ennuis commençaient.

    Cela avait toujours été comme ça pour moi, je savais interpréter les signes qui s’offraient à moi, mais, malheureusement, ce « don », s’accompagnait aussi du fait que les embêtements m’aimaient. J’étais comme un aimant pour eux.

    Je resserrai les pans de ma veste contre moi, et frissonnai. Je n’étais pas particulièrement peureux, mais comme à chaque fois, les évènements qui m’arrivaient étaient plus horribles les uns que les autres, je craignais un peu ce qui risquait de m’arriver. La dernière fois, par exemple, je m’étais retrouvé en soutane noire de moine, en train de sonner les cloches dans l’église de mon quartier. Et tout ça pour retrouver un putain de bijou de famille appartenant à mon ex.

    Le pied.

    Je souris en songeant que ce coup-ci je m’en faisais pour rien, que le sort avait peut-être daigné –enfin- m’épargner, et que pire que l’église, c’était un peu difficile à réaliser ! Je n’y croyais pas trop, mais étant donné que j’étais relativement doué pour le mensonge, je réussi à me convaincre à moitié et à profiter de ma journée à la montagne. Après tout, ce n’était pas tous les jours que je pouvais m’offrir des vacances aussi loin !

    J’entrai dans un bistrot pour me protéger du froid extérieur, et commandai un café noir. J’en avais bien besoin.

    J’étais arrivé en train le matin même, lorsque mon patron m’avait offert ma promotion. Oui, moi, Julien Gars, vingt-cinq ans, j’avais eu ma première promotion, à 8h15 exactement.

    Je travaillais dans une petite entreprise locale de journalisme dans le sud de la France, et pour fêter cet heureux évènement, j’avais fait mes valises, et j’avais quitté la petite ville monotone où j’avais élu domicile, pour aller respirer l’air purificateur de la montagne.

    Je n’avais pas loué le matériel de ski dès mon arrivée, profitant de ce moment libre pour souffler un bon coup après d’intenses semaines de travail et me familiariser un minimum avec la station de ski.

    Je jetai un coup d’œil par la fenêtre au moment où la serveuse m’apportait ma commande, et su que j’avais bien fait d’attendre un peu avant de monter sur mes skis. Le temps était minable -brumeux  avec du crachin- alors étant donné mon niveau de champion, je me serai ramassé au bout de trois mètres, et j’aurai été bon pour l’hôpital.

    -         Je vous sers autre chose avec ça ? me demanda aimablement la serveuse me sortant de mes pensées de pessimiste confirmé.

    -         Vous avec le journal local ?

    Je comptais vérifier la météo, inutile de prendre des risques.

    -     Je vous apporte ça tout de suite.

    La demoiselle fit demi-tour, et je l’observai s’éloigner en roulant des hanches. Pourquoi les femmes se sentaient-elles obligées de toutes faire pareil devant moi ?

    Etais-je si irrésistible ?

    J’eus un petit rire cynique, digne des plus grands acteurs d’Hollywood. Si elles savaient à quel point elles étaient pathétiques ainsi !

    Je goûtais du bout des lèvres le jus de chaussette qu’elle venait de m’apporter, qui portait le nom de café et qui allait me coûter la peau du cul, et soupirai. J’espérai que l’hôtel était bien, parce que sinon, cela ne valait même pas la peine de rester ici, je pouvais tout aussi bien aller passer quelques jours chez mes parents. Ils avaient le même café mais moins cher.

    M’interrompant une fois encore, la serveuse m’apporta le journal usé et froissé qui avait du passer entre les mains de tous les clients.

    -         Ce sera tout ?

    J’acquiesçai et feuilletai les feuilles abîmées sans lui accorder la moindre attention en espérant qu’elle comprenne que je ne voulais pas d’elle. Ou bien qu’elle pense que j’étais un gros salaud. De toute manière ça revenait au même.

    Je l’observai s’éloigner et regagner le bar pour discuter, à demi furieuse, avec une fille qui buvait chocolat chaud. Comme je le savais ? Son bol était à l’effigie d’un Mickey avec des moufles.

    Je les vis me fixer ; la serveuse outragée, la jeune fille amusée, et mon cœur fit un bond en découvrant l’identité de la fille. Son sourire s’agrandit, elle m’avait aussi reconnu. Je fis une rapide prière, pourvu qu’elle n’ai pas l’illumination de venir à ma table !

    Je lui adressai un rapide signe de la main, et me penchai sur mon journal, mon sauveur à cet instant là, pour y lire quelque chose. N’importe quoi, mais il fallait que j’aie l’air occupé…

    Quelques secondes plus tard, je dénichai exactement ce qu’il me fallait ; c’était un article sur la station où je me trouvai signalant qu’une cabine de ski était tombée, mais qu’il n’y avait eu aucun mort. Youpi. Passionnant.

    Finalement, cet article m’apporta deux conclusions : la première était que mes sens n’étaient pas morts, qu’il risquait bien de m’arriver quelque chose, et la deuxième était que j’aurai pu devenir acteur, la fille n’était pas venue. N’était-ce pas ce que je voulais, après tout ?

    J’en doutai, mais j’avais toujours été comme ça. J’agissais sans réfléchir, et je récoltais remords et regrets ensuite.

    Mais de toute manière, j’avais bien fait de lui montrer que je ne voulais pas d’elle, elle n’apportait que des ennuis, où qu’elle aille.

    Elle.

    Elle travaillait pour la gendarmerie, et plus d’une fois je m’étais retrouvé entre ses bras… mais avec des menottes ! Il faut dire, pour ma défense, que les journalistes ne sont pas tellement appréciés par les forces de l’ordre, et qu’ils m’avaient dans leur collimateur. Je n’avais pas le temps de faire quoi que ce soit, que j’étais déjà en garde à vue ! Ils pouvaient porter concurrence à Speedy Gonzales !

    Mais elle n’était pas que ça, Elle, c’était aussi la fille de mon patron… qui m’avait démontré, lorsque j’étais arrivé pour bosser chez lui, qu’il ne rigolait pas avec sa fille, et que je n’avais pas intérêt de m’approcher d’elle. Le message avait été très clair.

    Elle, elle avait aussi été la copine de mon meilleur ami, qui lui aussi avait été très clair sur le fait que, même s’ils n’étaient plus ensemble, je n’avais pas à m’approcher d’elle. J’avais si mauvaise réputation ?

    Laissant mon café inachevé, je payai mon dut sans ajouter de pourboire, et sortis en direction de l’hôtel. Mes pensées maussades étaient revenues au triple gallot…

    Le froid était saisissant, bien que l’on ne soit à peine qu’en Novembre, mais cela ne me dérangeait pas, au contraire, cela me changeait du soleil de plomb dont j’avais l’habitude.

    Le sol givré craquait sous mes nouveaux boots que j’avais achetés pour l’occasion, des flocons de neige tombaient sur mes cheveux bruns, le vent s’engouffrait dans ma veste grande ouverte, c’était complètement nouveau pour moi, et je comptais bien en profiter. Faire le plein de sensations.

    -         Monsieur Gars ?

    Je me retournai brusquement. Personne n’était sensé savoir que j’étais là.

    A part ma concierge.

    Mon patron.

    Mon meilleur ami.

    Et la fille de mon patron.

    Bon, rectification, presque personne n’était sensé savoir que j’étais là.

    -         Oui ?

    Mon interlocuteur ne devait pas avoir plus d’une trentaine d’années, et portait des lunettes rondes sur un nez crochu. De plus comme le témoignait ses yeux d’un gris fade fouineur, c’était un chercheur de merde. Et il me cherchait moi. Pas que j’étais une merde, non, mais…

    -         Que faites-vous là ?

    Je lui jetai un regard intrigué avant d’éclater de rire en comprenant. Un chercheur de merde est forcément un journaliste, et je me trouvai sur son territoire.

    -         Je suis en vacances.

    -         Vraiment ? me demanda-t-il d’un air sceptique.

    -         Vraiment.

    -         Dans ce cas…

    Il se trémoussa devant moi d’un air gêné et fit mine de partir.

    -         Attendez !m’écriai-je. Comment me connaissez-vous ?

    -         Disons que nous avons eu vent de cette histoire de cloches ! Vous êtes assez célèbre dans votre métier.

    Et cette fois-ci, c’est lui qui rit narquoisement.

    Ah, ah. Très drôle.

    A croire que cela allait me poursuivre jusqu’à la fin de mes jours.

    -  Au revoir, monsieur Gars.

    -  Au revoir monsieur…

    -  Fenrir. Monsieur Fenrir.

    On ne se serra pas la main, je l’avais trouvé antipathique – on ne se moque pas de quelqu’un au premier abord !- et cela semblait réciproque. Il reprit son chemin tout heureux, et moi je continuai le mien, tentant vainement de me souvenir où se trouvait mon foutu hôtel. Ma journée était définitivement gâchée.

    Je parcouru les rue de long en large sans rien trouver, je n’avais pas du hériter du fameux sens de l’orientation que possédait les hommes. Je me demandais même en cet instant s’il existait vraiment.

    Finalement, au bout de quelques heures à chercher, mes doigts commençaient à ressembler à des glaçons et avaient pris une couleur bleuâtre qui ne me semblait pas vraiment naturelle. Je fus donc obligé de renoncer à mon égo d’homme et de demander mon chemin à une grand-mère qui passait par là.

    Elle m’indiqua amusée la route, et je pus enfin me réchauffer dans une chambre aux tons ocres qui me semblait convenable pour son prix.

    Je m’allongeai sur le lit et fermai les yeux. Il y avait des jours où il valait mieux rester couché.


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  • Je ne crois pas aux coïncidences.

    C’est pourquoi quand ce matin très tôt, j’avais vu une de ces brochures avec un voyage en ski en promotion, et que pendant le repas de midi, mes parents m’avaient dit que mon frère était parti à la montagne, j’avais de suite conclu que j’allais le rejoindre.

    C’était un bon prétexte pour m’occuper pendant les vacances de noël.

    Mais surtout une bonne occasion d’embêter mon frère adoré.   

    Les préparations s’étaient faites très vite : j’avais contacté son meilleur ami, un prénommé Gabriel que je n’avais jamais pu voir, pour savoir où exactement il se trouvait, puis j’avais téléphoné à la gare pour réserver une place.

    C’est pourquoi maintenant, je me trouvais dans le TGV en train de hocher stupidement la tête aux paroles d’une vielle dame assise en face de moi. Elle dût d’ailleurs comprendre, au bout d’un moment, que la vie de la fille de son ex-beau fils ne m’intéressait pas car elle souffla et tourna son visage vers la fenêtre.

    Je fis de même.

    Je n’avais jamais supporté les personnes âgées.

    Ni les anniversaire.

    Et encore moins les cadeaux.

    Tout comme mon frérot adoré. Sauf que lui, en plus, il n’avait jamais pu me supporter. Triste histoire.

    Je me replaçais nerveusement sur ma banquette et fixait mon regard sur le paysage qui défilait à ma droite. Petit à petit, le vert des collines laissa place au blanc manteau des montagnes. J’étais bientôt arrivée.

    Il commençait déjà à faire sombre lorsque j’entendis les premiers ronflements de ma voisine.

    La vielle femme avait la tête collée contre la vitre embuée et un sourire flottait sur ses lèvres. Rêvait-elle à sa petite-fille tant chérie ?

    Je souris à mon tour puis me levai pour aller chercher mon sac. A peine avais-je levé la main que le train se mit à siffler.

       - Je peux vous aider mademoiselle ?

    Je me retournai vers la voix et me figeai devant le sourire torve que m’adressait la personne en face de moi. Blond et un brin asiatique j’aurai juré qu’il était russe. Il devait avoir une trentaine d’année, et un frisson me parcouru lorsque je rencontrai son regard. Ce gars me faisait froid dans le dos. Je me forçai à me détendre et affichait un sourire froid mais poli.

       - Allez plutôt soutenir cette vielle dame, je suis sûre qu’elle a plus besoin de vous que moi.

    Son visage se crispa mais il ne dit rien et fit même ce que je lui disais. J’avais toujours eu une force de persuasion immense.

    Je soupirai et me dirigeai vers la sortit pour appeler un taxi. La route était encore longue…  A croire que mon stupide de frère ne savait pas où flinguer son argent, alors, il avait décidé d’aller à Pétaouchnock !

    Je portai les doigts de ma main droite à mes lèvres et sifflai comme une pro. De la main gauche je défis la tresse pour laisser mes boucles brunes se répandre dans mon dos. Ca faisait toujours venir plus vite les taxis. Allez savoir pourquoi... 

    C’est que, du haut de mes seize ans, j’en jetai !

    Je souris satisfaite quand, une seconde après, un vieil homme l’œil brillant s’arrêtait devant moi.

       - Alors ma p’tite dame besoin d’une escorte pour aller au bout du monde ?

       - Peut-être pas si loin, mais vous en aurez pour votre essence...

    Je lui tendais le bout de papier où était écrit l’adresse de mon hôtel. Pendant qu’il lisait mes pattes de mouches, il me fit signe de m’installer.

    Il faisait bon à l’intérieur et ça sentait la rose. Rien à dire il était marié à une femme maniaque.

       - Vous avez parfumé ?

       - Oui, ma p’tite dame ! Enfin, c’est ma femme plutôt… Elle dit que c’est pour que les clients se sentent plus à leurs aises !

       - Eh ben ça marche !

    Il me sourit dans le rétroviseur et son visage se rida encore plus.

       - Nous devrions arriver quand ?

       - Assez vite pour que vous redemandiez mes services ma p’tite dame ! 

       - C’est parfait alors !

       - Comme vous le dites ! Parlez moi un peu de vous, ça fera passer le temps !

    Je souris à sa proposition et me lançai dans une histoire abracadabrante avec pas une seule once de vérité mais qui nous fit rire tous les deux pendant les deux heures de routes.

    Ce n’est que quand il commença à ralentir que je me rendis compte du temps passé.

       - Eh ben ma p’tite dame vous voilà arrivée !

       - Merci beaucoup.

    Je sortis mes affaires et me dépêchai de rentrer à l’intérieur après avoir payé onéreusement mon chauffeur.

     Le hall était tout petit, à l’ancienne et chaleureux. Les murs étaient recouverts de tapisseries et le sol de moquette. Il y avait encore les traces de neige qui fondaient ceci cela sur le parterre. C’était radicalement miteux. Comment mon frère avait-il pu réserver un truc comme ça ? Je devais quand même avouer que cela avait du cachet…mais quand même ! Il avait les moyens de s’offrir mieux !

       - Heu pardon madame... mais mon frère doit déjà être arrivé... M.Gars.

       - Oui en effet chambre 102.

    J’aurais pu être un tueur à gage que ça aurait été pareil !  

    A la fois qui aurait pu se douter qu’à 16 ans une jeune fille devienne une criminelle sans scrupule ?

    Même moi je m’y serai fait prendre.

       - Merci !

    Je soupirai quand je lu le panneau en panne sur l’ascenseur et me dépêchai pour monter les marches qui menaient à son étage.

    Quelques minutes plus tard je m’arrêtai devant la porte de mon frère et respirai un bon coup.

    J’ouvris en grand la porte et la fit claquer.

       - Salut frérot !

       - ALICE !

    Il sauta d’un coup de sur son lit et me regarda les yeux écarquillés.

       - Je vois que tu es enchanté de me voir !

    Je regardais rapidement le désordre de la pièce et affichais un visage dégoûté.

       - Toujours aussi propre à ce que je vois.

       - Mais qu’est ce que tu fais là !

       - Ben je suis venu te voir, ça ne te fait pas plaisir ?!

       - Mais papa maman ne m’ont même pas prévenu !

    Je souris et commençai à m’installer dans la chambre.

       - C’est normal, je ne leur ai pas dit !

       - QUOI ?

    Il m’observa avec l’air du gars que l’on vient de réveiller avec un verre d’eau, et j’eus pitié.

       - Mais non ! Je rigole ! Tout le monde est au courant que tu as pris des vacances ! Alors je suis venue te rendre visite !

       - Qui est-ce qui a vendu la mèche ? Putain t’a vidé toute ton armoire !

       - Ton po-pote ! Pas vrai, je n’en ai pris que la moitié. Je vais tout poser dans le coin, je rangerai ton bordel après…

    Il fixa le plafond d’un air absent avant de dire :

       - Je suppose qu’il faut que je me résigne au fait que tu me colles toujours au cul…

       - Exact !

    Je souris. Les vacances commençaient vraiment. Et… A bas le Papa Noël !



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  • Je refermai ma combinaison marine d’un geste nerveux, et observai Alice qui, dans sa tenue de snow board avait fière allure. Elle trépignait d’impatience à l’idée de glisser sur la neige, à une vitesse folle où il était impossible de tout contrôler. Contrairement à son froussard de frère.

    Je songeai, un sourire attendri flottant sur mes lèvres qu’elle avait bien grandi depuis la dernière fois où je l’avais vu, et que, bien qu’au début sa présence m’ait dérangé, je devais m’avouer que j’étais heureux qu’elle soit avec moi. Oui, j’étais heureux, et cela faisait longtemps que cela ne m’était pas arrivé.

    -         Tu comptes passer la nuit ici à m’observer avec ton air débile ? s’exclama Alice tout à coup me faisant prendre conscience que depuis une dizaine de minutes nous n’avions pas bougé d’un poil.

    -         Hey ! Je ne t’observai pas d’un air débile ! Et puis, t’as qu’à partir devant je te suis !

    -         Okay.

    Elle poussa sa planche et s’introduisit dans la queue d’attente pour le télésiège. C’était tellement naturel pour elle.

    Refoulant la peur que m’inspirai les pistes de ski, je la suivis en me rappelant pourquoi j’avais décidé de passer mes vacances de Noël ici.

    Ah, oui, c’est vrai, je voulais vaincre mes démons intérieurs.

    Bon, ben, j’avais du boulot !

    J’arrivai près d’Alice qui me sourit gentiment. Elle savait  ce que j’endurai, elle m’avait toujours compris bien que je ne lui dise jamais rien, et elle ne se moquerait pas de moi, bien qu’elle soit l’archétype de la personne qui aime taquiner. Ma sœur était une perle rare.

    Je ris discrètement en m’asseyant sur le télésiège, heureusement que ma sœur préférée ne pouvait pas lire dans mes pensées, je perdrai ma réputation !

    -         Julien ? me demanda tout à coup Alice.

    -         Quoi ?

    -         Regarde en bas.

    -         Tu sais bien que je n’ai pas le vertige Alice ! Ca ne marchera pas !

    -         Ce n’est pas à cause de ça, me répliqua-t-elle agacée, regarde !

    Je baissai les yeux et vis, contre le flanc de la montagne, un homme blond qui en frappait un autre. Puis, le blond sortit ce qui de loin ressemblait à un pistolet et tira sur celui qui était au sol. Nous n’entendîmes pas de bruit, mais comme pour me prouver que j’avais raison, une avalanche se forma dans les hauteurs et commença à gringoler. Il y avait bien eu une déflagration. Je suivis des yeux l’homme blond qui descendait en ski à une vitesse incroyable pour ne pas se faire attraper par la neige. Et il réussit. Il disparu entre les arbres de la forêt. Il disparu de mon champ de vision.

    -         Je connais ce gars, chuchota brusquement Alice.

    -         Quoi ? Lequel ?

    -         Le gars qui a détalé en ski.

    -         Tu le connais ?

    Elle détourna la tête, pour me masquer le fait qu’elle pleurait.

    -         Pas vraiment. Il était dans le même wagon que moi, c’est tout.

    Le silence s’installa entre nous et lorsque notre siège arriva en haut de la montagne, nous descendîmes ensemble sans nous concerter. Direction le commissariat.

    Au bout de quelques minutes, nous arrivâmes en bas des pistes : c’était la première fois que je descendais aussi vite. Mais je n’avais pas la tête à m’amuser à me congratuler.

    Je me déchaussai rapidement, et attrapai toutes nos affaires. Alice était à peine en état de marcher, inutile de la charger en plus.

    -         Julien ?

    -         Mmm…

    -         Il est mort.

    Ce n’était pas une question.

    Je ne dis rien, et pris le chemin de l’hôtel. Je comptai y laisser Alice et aller seul au commissariat.

    Vive les vacances à la montagne, songeai-je.

    -         Julien ?

    -         Mmm…

    -         Ne compte pas me laisser derrière.

    -         Qui a dit que j’allai faire une chose pareille ?

    -         Je te connais.

    J’aurai pu démentir, mais de toute manière, à quoi cela aurait-il servi ?

    -         Arrête de dire des absurdités, répliquai-je simplement, et avance. Si tu veux avoir dans ton dossier que tu as assisté à un meurtre, alors viens. Mais si tu veux être libre, alors reste à l’hôtel.

    -         Mais…

    -         Tais-toi, la coupai-je, tu vas dire une connerie.

    On était à nouveau devant l’hôtel. On était les skieurs les plus rapides de l’ouest. On n’avait même pas commencé que c’était déjà terminé.

    Je sortis les clés de nos chambres et les tendis à Alice.

    -         Tu mettras nos affaires ma salle de bain, et tu te coucheras. J’essaierai de rentrer le plus tôt possible. Si je ne suis pas rentré à midi, commande un truc.

    Elle acquiesça et pris nos affaires avant de rentrer dans l’hôtel. J’attendis qu’elle soit partie, puis sortis mon téléphone. Je devais d’abord avertir une certaine personne, même si cela ne m’enchantait pas vraiment. Mais c’était la meilleure solution.

                                                                          *

          -    Vous êtes en train de me dire que vous étiez sur le télésiège, lorsque vous avez vu un homme tuer un autre ?

          -    Exact.

    Combien de temps allait-il encore me garder ? Cela faisait dix bonnes minutes que je lui expliquai en long, en large et en travers ce que j’avais vu, mais il ne se décidait pas à bouger.

    -         Bon, très bien. Mais que viens faire mademoiselle Anne Martin dans cette histoire ?

    -         Je vous l’ai déjà dit ! Je ne savais pas quoi faire, alors je l’ai appelé parce qu’elle était ici, et qu’elle est gendarme.

    Il regarda fixement le mur quelques instants avant de décrocher son téléphone et de marmonner au récepteur :

    -         Envoie l’équipe s’il te plait.

    Enfin ! Faut croire que ce ne sont pas des nerveux-nerveux.

    -         Monsieur Gars ?

    -         Oui ?

    -         Vous restez ici pendant combien de temps ?

    -         Je devrai rester une semaine.

    -         Très bien, je vous contacterai si l’on trouve quelque chose.

    -         Merci.

    Et je sortis en appréhendant l’état dans lequel j’allai retrouver Alice.

    Boudeuse ? Triste ? Enervée ? En colère ?

    Ou même, allais-je la retrouver ? Elle était du genre à s’être enfuie.

    J’inspirai un grand coup l’air purificateur de la montagne, et souhaitai qu’elle n’ai pas bougé.

    Je détestai vraiment les vacances.

     

     


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  • Le vent et la neige fouettaient mon visage et malgré le froid qui engourdissait mes membres, je revoyais et revoyais encore la scène dans mon esprit. Mais le pire dans tout ça, c’était que je savais que je ne pourrais jamais oublier, que ce souvenir me hanterait toujours.

    Et après ça mon frère croyait que j’allais laisser tomber ?

    Naïf !

    De toute façon je n’aurais jamais pu tenir plus de deux seconde dans cette chambre sans faire quelque chose. Autant m’occuper à des fins constructives ! 

    Je pressai le pas et m’arrêtai devant l’enseigne de l’auberge « Un verre de trop ! ».

    C’était ici. J’avais entendu dire dans diverses conversations que toutes  informations passaient par là. Autant tenter ma chance de mon côté.

    Je rentrai dans la taverne et ne fis pas attention aux têtes qui se retournèrent au bruit de la sonnette. Je choisis une table au fond, dans un coin et me plaçai dos au mur.

    Il régnait dans cette salle une ambiance chaleureuse et typique qui me faisait penser à celle de l’hôtel où nous séjournions: les clients parlaient trop fort et on sentait l’odeur du bois qui brûlait dans une cheminée. Mignon.

       - Un soda mademoiselle ?

    Je vrillai mon regard noisette dans celui de la serveuse et je pense qu’elle comprit que je n’étais pas dans mon assiette car elle me sourit avec tout son enthousiasme.

       - Attendez, ne dites rien ! Je vais vous apporter un cocktail, ce n’est pas de saison mais ça change des boissons habituelles... Vous allez voir ! Un peu d’originalité ça redonne toujours le sourire !   

       - Merci.

       - Cet endroit est fait pour ça : réchauffer les cœurs !

       - Je prends note !

    Son sourire s’agrandit et elle partit rapidement vers le bar. Des hommes ivres l’apostrophèrent mais elle n’y fit pas attention. Elle revint très vite à ma table et me déposa son mélange avec une once de fierté.

       - Ananas, lait de coco, fruit rouge et goyave !

       - Merci beaucoup !

       - Ah ! Et aussi, elle se pencha vers moi avant de chuchoter, un peu de vodka…

    Elle m’adressa un clin d’œil avant de retourner vaquer à ses occupations. Le liquide coula lentement dans ma gorge, et l’alcool me réchauffa doucement. Cela me remit les idées en place. Exactement comme elle l’avait prévu. Je soupirai d’aise et me renversai sur ma chaise.

       - Hé Hélène ! Tu t’occupes...hip !... aussi un peu... hip !... de nous !

    La serveuse qui nettoyait des verres derrière le bar se retourna d’un coup vers un barbu imposant et roux.

       - Mais oui ! Je viendrais aussi te changer les couches !    

       - N’oublie pas la fessé !

    Et toute la table éclata de rire. Elle se retourna vers moi amusée, et, voyant que j’avais terminé mon verre revint vers moi. J’en profitai pour lui mettre sous le nez un croquis que j’avais dessiné de l’inconnu. Je m’étais toujours bien débrouillée en dessin. 

       - Vous le connaissez ?

    Ses yeux s’écarquillèrent et elle m’observa soupçonneuse.

       - Je ne savais pas que la police engageait des enfants.

    Elle, elle ne se serait pas fait prendre par le coup du tueur à gage...

    Je la regardai dans les yeux le plus innocemment possible, et ajoutai l’air vexé par ses accusations :

       - C’est mon parrain et je le cherche partout ! Il aurait du venir me chercher à la gare aujourd’hui.

    Elle ne dit rien mais je vis son visage s’adoucir.

       - Comme il n’y était pas...je suis venu tenter ma chance dans les lieux qu’il affectionnait tout particulièrement...

    Elle me tapota gentiment l’épaule et sourit de nouveau.

       - Il est venu l’autre soir, je m’en souviens car il n’était pas d’ici.

       - Il... Il n’a pas fait de dégâts...je veux dire...quand il est sou il à tendance à...

    Elle m’arrêta d’une geste.

       - Non, il a seulement discuté avec Bill. Le roux à la table ronde là-bas ! Si tu veux savoir où il est, demande le plutôt a lui.

       - Merci beaucoup !

       - Je t’en prie ! Ce fut un véritable plaisir de t’aider, charmante jeune fille.    

    Elle m’adressa un dernier sourire puis partit vers une table qui commençait à rouspéter.

    Je déposai sur la table un peu plus que ce que devait coûter le cocktail puis allai vers le Bill qui voulait qu’on s’occupe de lui. Toute la table était pitoyable tellement ils étaient ivres. Plus je m’approchai plus je sentais l’odeur de l’alcool. Quelle horreur !

    J’hésitai à faire demi-tour. Julien devait déjà être rentré, et il devait sûrement s’inquiéter…

    J’inspirai profondément. Si je ne faisais rien, je ne pourrai plus me regarder dans une glace.

    Je repensai à ce que m’avait, un jour, dit celui qui m’avait lâchement abandonné. Ce gars, ce voyou, ce voleur, ce bandit, ce menteur, il m’avait emmenée, un soir d’automne où il avait été particulièrement amoché par une de ces quelconques bagarres qui faisaient son quotidien, dans un bar qui ressemblait étrangement à celui-ci. Ce jour-là, il avait bu. Beaucoup plus qu’il n’aurait du, mais je n’avais pas trouvé le courage de l’empêcher de se soûler. Je le voyais tellement rarement…

    J’essuyai les larmes qui coulaient sur mes joues avec ma manche et revis ce moment que j’avais décidé, avec tous les autres, d’enterrer à jamais. J’avais échoué…

     

    Il s’assit sur un tabouret et commanda une boisson dont je n’avais pu entendre le nom. Mais à en juger par son état, je supposai qu’elle était forte. Du moins, assez pour lui faire oublier qu’il souffrait le martyre avec ses multiples blessures.

    .    Un coca pour elle, demanda celui que j’aimais à la serveuse.

    .    Hey ! m’offusquai-je. Et si je voulais comme toi ?

    Il ne répondit pas, mais sourit, de ce sourire qui le rendait si beau. J’étais incontestablement folle de lui.

    Durant toute la soirée, nous discutâmes, de tout et de rien. Nous n’abordions que des sujets badins. Il n’avait jamais voulu me faire part de sa vie. Je le connaissais si peu en fin de compte…

    La soirée continua quand même sur une note joyeuse, et la tension que j’avais accumulée durant son absence m’abandonnait peu à peu.

    Mais lorsqu’il commanda son troisième verre de cette boisson, j’émis une protestation :

    .    Arrête, ça suffit maintenant. Rentrons.

    Il me repoussa la main. Gentiment, mais fermement.

    .    Tu sais, m’expliqua-t-il lorsqu’il remarqua que je ne parlais plus, dans ma vie, je fais des trucs dont je suis pas fier, mais…

    Il planta son regard dans le mien comme pour y chercher je ne savais quoi. Du courage peut-être. Enfin, quoiqu’il y trouva, il continua :

    .    Des saloperies j’en aie fait, mais si je ne fais pas ça, qui le fera ?

    Il ricana et ajouta :

    .    Je ne suis pas du côté des « méchants », même si la frontière est faible…

    Ca je le savais. Ce mec avait un cœur d’or. Où du moins c’était ce que je croyais.

    .    Tu pourrais laisser faire la police, proposai-je doucement.

    .    Tu parles ! Au moindre petit truc, ils s’enfuient. La police, c’est juste pour faire joli-joli, et mettre des contraventions à ceux qui sont mal garés !

     

    Je secouai la tête pour chasser ces images qui me faisaient si mal, et tapotai l’épaule du gros roux. Si mon ex m’avait enseignée une chose, c’était bien celle-là. Ne faire confiance qu’à soit même.

     

     


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  • Je crois que si l’hôtesse de l’accueil n’avait pas été à mes côtés, je me serai mis à injurier ma débile de sœur de tous les noms. Où avait-elle bien pu passer ? En plus, je ne pouvais même pas appeler la police ; Alice n’était pas censée être avec moi lors du meurtre.

    Je tournai en rond. Ne pas s’inquiéter. Surtout ne pas s’inquiéter. Avec un peu de chance, elle était sûrement allée faire un tour en ville pour se changer les idées…

    Ouais, c’est ça. Et moi, je portais les sous-vêtements de la reine d’Angleterre ! Comment avais-je pu être assez bête pour penser, ne serait-ce qu’un seul instant, qu’Alice resterai les bras croisés à attendre ?

    Je composai une nouvelle fois son numéro sans trop d’espoir. Si seulement j’avais une piste qui pourrait m’indiquer où elle était allée ! Au bout de la cinquième sonnerie, je m’apprêtai à raccrocher, lorsqu’elle répondit. J’inspirai un grand coup, et fis un signe de la main à l’employée qui devait se demander si elle appelait les secours ou pas.

    Je sortis sur un dernier sourire qui se voulait rassurant, mais qui ne réussit qu’à l’alarmer encore plus, avant de m’exclamer :

    -         Alice ! Si je te retrouve, je te jure que…

    -         Oui, c’est ça, mais plus tard, m’interrompit-elle. Julien, on est tombés sur gros.

    -         Ah, non, non, non, ricanai-je. On n’est tombé sur rien du tout tu m’entends ?

    Je passai ma main dans mes cheveux  pour essayer de me calmer, sans grand résultat.

    -         Mais qu’est ce qui t’a pris putain ! Je t’avais dit de rester à l’hôtel !

    -         Ben justement j’y vais, là, à l’hôtel ! Tu devrais être content ! Bon je raccroche, j’ai pas envie de subir tes remontrances durant tous le trajet.

    Et elle me raccrocha au nez.

    Je rangeai mon portable, et analysai la situation avec détachement. Avec un détachement feint bien sûr. J’étais dans une colère noire inimaginable, mais j’arrivai à me contenir. Difficilement, certes, mais j’y arrivai. Mademoiselle voulait jouer à ça ? Très bien elle allait être servie. J’attendrai d’entendre ce qu’elle avait à me dire d’abord. Si elle avait une piste quelconque, ce n’était pas négligeable. Puis… Puis, je ne savais pas trop encore, mais ce qui était certain, c’est qu’elle ne devait pas plus s’impliquer que ça. Un meurtre n’est pas une histoire pour une gamine de seize ans.

    Je me massai mes tempes douloureuses en montant les escaliers.

    Oh, mon Dieu ! Que je détestai les vacances !

                                                                                 *

    -         Explique.

    -         Tu crois vraiment que c’est facile quand tu me jettes ce regard assassin ?

    Je ne répondis pas, mais lui lançai un regard encore plus mauvais que le précédent.

    -         Julien, je ne raconte rien si je n’ai pas la certitude que tu ne me laisseras pas à l’arrière.

    J’hésitai mais, finalement, acquiesçai.

    -         Tu ne me laisseras pas à l’arrière ?

    -          Non.

    -         Bien. Donc, comme je te disais, je suis allée voir le grand roux, et je lui ai montré ce croquis…

    -         Tu as ce croquis sur toi là ? la coupai-je sèchement.

    -         Oui, tiens.

    Elle me tendit un carnet à la couverture de cuir complètement usée. Ce carnet, c’était moi qui le lui avais offert pour ses douze ans. Elle avait parue tellement heureuse… Cette fille qui était ma sœur à ce moment-là, était complètement différente de la fille qui se trouvait à présent à mes côtés. Et je ne savais pas laquelle je préférais.

    Je chassai mes réflexions sans état d’âme. Les pensées philosophiques, une autre fois.

    -         Bon, tu l’ouvres ? s’impatienta Alice.

    -         Oui.

    Je feuilletai distraitement avant de tomber sur un portrait extrêmement bien réussi d’un homme qui pourrait passer pour un russe.

    -         C’est lui ?

    -         Yes. Bon je continue ?

    -         Oui.

    -         Julien, tu pourrais faire un effort, et éviter de me répondre par monosyllabe, ok ? Ca commence à faire lourd à force…

    -         Bien sûr.

    Elle inspira un grand coup, exaspérée, et continua son histoire.

    -         Je lui ai montré ce croquis, et, malgré le fait qu’il était complètement cuit, il a eu une frayeur monumentale. Limite arrêt cardiaque.

    -         Donc, c’est bien ce blond l’assassin.

    -         Exact. Bref, il m’a demandé qui j’étais, et je lui ai répondu que j’étais la filleule de l’assassin.

    -         Et il t’a cru.

    -         Et il m’a cru.

    -         Et ensuite ?

    -         Ensuite, je lui ai fait le même petit spich qu’à la serveuse, et je l’ai questionné sur l’endroit où il se trouvait. Il n’a pas répondu, et s’est effondré sur la table. Mort.

    -         Quoi ? m’exclamai-je.

    -         Mort, par balle.

    -         Putain Alice, tu n’es qu’une grosse tarée !

    -         Je sais. Mais si je n’y étais pas allée, qui y serait allé ? La police ? Non, ils ne sont bon à rien.

    Après la matinée que j’avais passée, je ne trouvai pas la force de la contredire. Après tout, elle avait un peu raison. Un peu.

    -         Alice, tu sais bien que le gars qui l’a tué t’a vu avec lui. Je serai prêt à parier que tu es sa prochaine victime.

    Ma sœur blêmit, et perdit son air farouche. J’allai ajouter quelque chose pour l’achever, lorsque mon téléphone se mit à vibrer. Numéro inconnu. Devais-je décrocher ? Oui, non, peut-être… Je décrochai.

    -         Allo ?

    -         Monsieur Gars ?

    Je reconnu immédiatement la voix de mon interlocuteur. Ce n’était que le policier. Le soulagement que m’apporta le son de sa voix était si monumental que je sentis mes épaules se détendre.

    A quoi je m’attendais ? Je ne savais pas vraiment, mais à pire que ça, c’était sûr !

          -    Nous avons retrouvé un corps. Seriez-vous capable de l’identifier ?

          -    Pas du tout. Par contre, pour le tueur, il me semble avoir été avec lui dans le train… Je pourrais donc vous en faire un portrait…

          -   Bien. Apportez le moi le plus vite possible.

    Et il me raccrocha au nez. Je commençai sérieusement à en avoir marre de ce tic qu’avait tout le monde de me raccrocher au nez !

     

     

     


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  • Qui suis-je ?

    Je l'ai oublié.

    Où suis-je ?

    Dans le noir au milieu de l'immensité.

    La douleur, je ne ressens que ça.

    Les coups de poings sur mon visage, le sang qui coule dans ma bouche, mon coeur affolé, mes mains sans ongles, et mon bras cassé, sont devenus mon univers.

    Je me suis toujours demandé comment je réagirai face à la torture. Pleurerai-je ? Crierai-je  ? Trahirai-je ?

    Voici les questions que je me posai, mais maintenant je sais. Je sais que je suis comme tous les autres, mais que j'ai au moins eu le mérite de protéger ma soeur.

    Alice.

    Son visage, son sourire. Les reverrai-je ?

    La réponse s'impose dans mon esprit. 

    Non. Je mourrai avant.

    Les voix autour de moi s'éteignent peu à peu. Après la lumière, on m'a enlevé le son.

    Devrai-je être malheureux ? Peut-être. Seulement, je ne ressens qu'une paix intérieure rafraichissante, apaisante.

    Je ne me demande même pas si Alice s'en sortira, je ne m'inquiète même pas pour elle. Tout ce que je sais, c'est que je vais quitter ce monde qui n'a réussi qu'à me rendre malheureux. Y a-t-il autre chose après ? A tout dire, je m'en fiche. C'est sans doute une question qui tourmente beaucoup de personnes, mais après ce que je viens de subir, je ne pense pas que cela m'intéresse. 

    Je suis détaché de tout. C'en est presque effrayant. 

    Mon esprit quitte mon corps. Dernier éclat de conscience, mon coeur s'accélère, une pointe de peur perce ma cage thoracique. 

    Trop tard. Je suis déjà loin.

     

     


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