• Chapitre 3: Julien

    Je refermai ma combinaison marine d’un geste nerveux, et observai Alice qui, dans sa tenue de snow board avait fière allure. Elle trépignait d’impatience à l’idée de glisser sur la neige, à une vitesse folle où il était impossible de tout contrôler. Contrairement à son froussard de frère.

    Je songeai, un sourire attendri flottant sur mes lèvres qu’elle avait bien grandi depuis la dernière fois où je l’avais vu, et que, bien qu’au début sa présence m’ait dérangé, je devais m’avouer que j’étais heureux qu’elle soit avec moi. Oui, j’étais heureux, et cela faisait longtemps que cela ne m’était pas arrivé.

    -         Tu comptes passer la nuit ici à m’observer avec ton air débile ? s’exclama Alice tout à coup me faisant prendre conscience que depuis une dizaine de minutes nous n’avions pas bougé d’un poil.

    -         Hey ! Je ne t’observai pas d’un air débile ! Et puis, t’as qu’à partir devant je te suis !

    -         Okay.

    Elle poussa sa planche et s’introduisit dans la queue d’attente pour le télésiège. C’était tellement naturel pour elle.

    Refoulant la peur que m’inspirai les pistes de ski, je la suivis en me rappelant pourquoi j’avais décidé de passer mes vacances de Noël ici.

    Ah, oui, c’est vrai, je voulais vaincre mes démons intérieurs.

    Bon, ben, j’avais du boulot !

    J’arrivai près d’Alice qui me sourit gentiment. Elle savait  ce que j’endurai, elle m’avait toujours compris bien que je ne lui dise jamais rien, et elle ne se moquerait pas de moi, bien qu’elle soit l’archétype de la personne qui aime taquiner. Ma sœur était une perle rare.

    Je ris discrètement en m’asseyant sur le télésiège, heureusement que ma sœur préférée ne pouvait pas lire dans mes pensées, je perdrai ma réputation !

    -         Julien ? me demanda tout à coup Alice.

    -         Quoi ?

    -         Regarde en bas.

    -         Tu sais bien que je n’ai pas le vertige Alice ! Ca ne marchera pas !

    -         Ce n’est pas à cause de ça, me répliqua-t-elle agacée, regarde !

    Je baissai les yeux et vis, contre le flanc de la montagne, un homme blond qui en frappait un autre. Puis, le blond sortit ce qui de loin ressemblait à un pistolet et tira sur celui qui était au sol. Nous n’entendîmes pas de bruit, mais comme pour me prouver que j’avais raison, une avalanche se forma dans les hauteurs et commença à gringoler. Il y avait bien eu une déflagration. Je suivis des yeux l’homme blond qui descendait en ski à une vitesse incroyable pour ne pas se faire attraper par la neige. Et il réussit. Il disparu entre les arbres de la forêt. Il disparu de mon champ de vision.

    -         Je connais ce gars, chuchota brusquement Alice.

    -         Quoi ? Lequel ?

    -         Le gars qui a détalé en ski.

    -         Tu le connais ?

    Elle détourna la tête, pour me masquer le fait qu’elle pleurait.

    -         Pas vraiment. Il était dans le même wagon que moi, c’est tout.

    Le silence s’installa entre nous et lorsque notre siège arriva en haut de la montagne, nous descendîmes ensemble sans nous concerter. Direction le commissariat.

    Au bout de quelques minutes, nous arrivâmes en bas des pistes : c’était la première fois que je descendais aussi vite. Mais je n’avais pas la tête à m’amuser à me congratuler.

    Je me déchaussai rapidement, et attrapai toutes nos affaires. Alice était à peine en état de marcher, inutile de la charger en plus.

    -         Julien ?

    -         Mmm…

    -         Il est mort.

    Ce n’était pas une question.

    Je ne dis rien, et pris le chemin de l’hôtel. Je comptai y laisser Alice et aller seul au commissariat.

    Vive les vacances à la montagne, songeai-je.

    -         Julien ?

    -         Mmm…

    -         Ne compte pas me laisser derrière.

    -         Qui a dit que j’allai faire une chose pareille ?

    -         Je te connais.

    J’aurai pu démentir, mais de toute manière, à quoi cela aurait-il servi ?

    -         Arrête de dire des absurdités, répliquai-je simplement, et avance. Si tu veux avoir dans ton dossier que tu as assisté à un meurtre, alors viens. Mais si tu veux être libre, alors reste à l’hôtel.

    -         Mais…

    -         Tais-toi, la coupai-je, tu vas dire une connerie.

    On était à nouveau devant l’hôtel. On était les skieurs les plus rapides de l’ouest. On n’avait même pas commencé que c’était déjà terminé.

    Je sortis les clés de nos chambres et les tendis à Alice.

    -         Tu mettras nos affaires ma salle de bain, et tu te coucheras. J’essaierai de rentrer le plus tôt possible. Si je ne suis pas rentré à midi, commande un truc.

    Elle acquiesça et pris nos affaires avant de rentrer dans l’hôtel. J’attendis qu’elle soit partie, puis sortis mon téléphone. Je devais d’abord avertir une certaine personne, même si cela ne m’enchantait pas vraiment. Mais c’était la meilleure solution.

                                                                          *

          -    Vous êtes en train de me dire que vous étiez sur le télésiège, lorsque vous avez vu un homme tuer un autre ?

          -    Exact.

    Combien de temps allait-il encore me garder ? Cela faisait dix bonnes minutes que je lui expliquai en long, en large et en travers ce que j’avais vu, mais il ne se décidait pas à bouger.

    -         Bon, très bien. Mais que viens faire mademoiselle Anne Martin dans cette histoire ?

    -         Je vous l’ai déjà dit ! Je ne savais pas quoi faire, alors je l’ai appelé parce qu’elle était ici, et qu’elle est gendarme.

    Il regarda fixement le mur quelques instants avant de décrocher son téléphone et de marmonner au récepteur :

    -         Envoie l’équipe s’il te plait.

    Enfin ! Faut croire que ce ne sont pas des nerveux-nerveux.

    -         Monsieur Gars ?

    -         Oui ?

    -         Vous restez ici pendant combien de temps ?

    -         Je devrai rester une semaine.

    -         Très bien, je vous contacterai si l’on trouve quelque chose.

    -         Merci.

    Et je sortis en appréhendant l’état dans lequel j’allai retrouver Alice.

    Boudeuse ? Triste ? Enervée ? En colère ?

    Ou même, allais-je la retrouver ? Elle était du genre à s’être enfuie.

    J’inspirai un grand coup l’air purificateur de la montagne, et souhaitai qu’elle n’ai pas bougé.

    Je détestai vraiment les vacances.

     

     


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