• Chapitre 4: Alice

    Le vent et la neige fouettaient mon visage et malgré le froid qui engourdissait mes membres, je revoyais et revoyais encore la scène dans mon esprit. Mais le pire dans tout ça, c’était que je savais que je ne pourrais jamais oublier, que ce souvenir me hanterait toujours.

    Et après ça mon frère croyait que j’allais laisser tomber ?

    Naïf !

    De toute façon je n’aurais jamais pu tenir plus de deux seconde dans cette chambre sans faire quelque chose. Autant m’occuper à des fins constructives ! 

    Je pressai le pas et m’arrêtai devant l’enseigne de l’auberge « Un verre de trop ! ».

    C’était ici. J’avais entendu dire dans diverses conversations que toutes  informations passaient par là. Autant tenter ma chance de mon côté.

    Je rentrai dans la taverne et ne fis pas attention aux têtes qui se retournèrent au bruit de la sonnette. Je choisis une table au fond, dans un coin et me plaçai dos au mur.

    Il régnait dans cette salle une ambiance chaleureuse et typique qui me faisait penser à celle de l’hôtel où nous séjournions: les clients parlaient trop fort et on sentait l’odeur du bois qui brûlait dans une cheminée. Mignon.

       - Un soda mademoiselle ?

    Je vrillai mon regard noisette dans celui de la serveuse et je pense qu’elle comprit que je n’étais pas dans mon assiette car elle me sourit avec tout son enthousiasme.

       - Attendez, ne dites rien ! Je vais vous apporter un cocktail, ce n’est pas de saison mais ça change des boissons habituelles... Vous allez voir ! Un peu d’originalité ça redonne toujours le sourire !   

       - Merci.

       - Cet endroit est fait pour ça : réchauffer les cœurs !

       - Je prends note !

    Son sourire s’agrandit et elle partit rapidement vers le bar. Des hommes ivres l’apostrophèrent mais elle n’y fit pas attention. Elle revint très vite à ma table et me déposa son mélange avec une once de fierté.

       - Ananas, lait de coco, fruit rouge et goyave !

       - Merci beaucoup !

       - Ah ! Et aussi, elle se pencha vers moi avant de chuchoter, un peu de vodka…

    Elle m’adressa un clin d’œil avant de retourner vaquer à ses occupations. Le liquide coula lentement dans ma gorge, et l’alcool me réchauffa doucement. Cela me remit les idées en place. Exactement comme elle l’avait prévu. Je soupirai d’aise et me renversai sur ma chaise.

       - Hé Hélène ! Tu t’occupes...hip !... aussi un peu... hip !... de nous !

    La serveuse qui nettoyait des verres derrière le bar se retourna d’un coup vers un barbu imposant et roux.

       - Mais oui ! Je viendrais aussi te changer les couches !    

       - N’oublie pas la fessé !

    Et toute la table éclata de rire. Elle se retourna vers moi amusée, et, voyant que j’avais terminé mon verre revint vers moi. J’en profitai pour lui mettre sous le nez un croquis que j’avais dessiné de l’inconnu. Je m’étais toujours bien débrouillée en dessin. 

       - Vous le connaissez ?

    Ses yeux s’écarquillèrent et elle m’observa soupçonneuse.

       - Je ne savais pas que la police engageait des enfants.

    Elle, elle ne se serait pas fait prendre par le coup du tueur à gage...

    Je la regardai dans les yeux le plus innocemment possible, et ajoutai l’air vexé par ses accusations :

       - C’est mon parrain et je le cherche partout ! Il aurait du venir me chercher à la gare aujourd’hui.

    Elle ne dit rien mais je vis son visage s’adoucir.

       - Comme il n’y était pas...je suis venu tenter ma chance dans les lieux qu’il affectionnait tout particulièrement...

    Elle me tapota gentiment l’épaule et sourit de nouveau.

       - Il est venu l’autre soir, je m’en souviens car il n’était pas d’ici.

       - Il... Il n’a pas fait de dégâts...je veux dire...quand il est sou il à tendance à...

    Elle m’arrêta d’une geste.

       - Non, il a seulement discuté avec Bill. Le roux à la table ronde là-bas ! Si tu veux savoir où il est, demande le plutôt a lui.

       - Merci beaucoup !

       - Je t’en prie ! Ce fut un véritable plaisir de t’aider, charmante jeune fille.    

    Elle m’adressa un dernier sourire puis partit vers une table qui commençait à rouspéter.

    Je déposai sur la table un peu plus que ce que devait coûter le cocktail puis allai vers le Bill qui voulait qu’on s’occupe de lui. Toute la table était pitoyable tellement ils étaient ivres. Plus je m’approchai plus je sentais l’odeur de l’alcool. Quelle horreur !

    J’hésitai à faire demi-tour. Julien devait déjà être rentré, et il devait sûrement s’inquiéter…

    J’inspirai profondément. Si je ne faisais rien, je ne pourrai plus me regarder dans une glace.

    Je repensai à ce que m’avait, un jour, dit celui qui m’avait lâchement abandonné. Ce gars, ce voyou, ce voleur, ce bandit, ce menteur, il m’avait emmenée, un soir d’automne où il avait été particulièrement amoché par une de ces quelconques bagarres qui faisaient son quotidien, dans un bar qui ressemblait étrangement à celui-ci. Ce jour-là, il avait bu. Beaucoup plus qu’il n’aurait du, mais je n’avais pas trouvé le courage de l’empêcher de se soûler. Je le voyais tellement rarement…

    J’essuyai les larmes qui coulaient sur mes joues avec ma manche et revis ce moment que j’avais décidé, avec tous les autres, d’enterrer à jamais. J’avais échoué…

     

    Il s’assit sur un tabouret et commanda une boisson dont je n’avais pu entendre le nom. Mais à en juger par son état, je supposai qu’elle était forte. Du moins, assez pour lui faire oublier qu’il souffrait le martyre avec ses multiples blessures.

    .    Un coca pour elle, demanda celui que j’aimais à la serveuse.

    .    Hey ! m’offusquai-je. Et si je voulais comme toi ?

    Il ne répondit pas, mais sourit, de ce sourire qui le rendait si beau. J’étais incontestablement folle de lui.

    Durant toute la soirée, nous discutâmes, de tout et de rien. Nous n’abordions que des sujets badins. Il n’avait jamais voulu me faire part de sa vie. Je le connaissais si peu en fin de compte…

    La soirée continua quand même sur une note joyeuse, et la tension que j’avais accumulée durant son absence m’abandonnait peu à peu.

    Mais lorsqu’il commanda son troisième verre de cette boisson, j’émis une protestation :

    .    Arrête, ça suffit maintenant. Rentrons.

    Il me repoussa la main. Gentiment, mais fermement.

    .    Tu sais, m’expliqua-t-il lorsqu’il remarqua que je ne parlais plus, dans ma vie, je fais des trucs dont je suis pas fier, mais…

    Il planta son regard dans le mien comme pour y chercher je ne savais quoi. Du courage peut-être. Enfin, quoiqu’il y trouva, il continua :

    .    Des saloperies j’en aie fait, mais si je ne fais pas ça, qui le fera ?

    Il ricana et ajouta :

    .    Je ne suis pas du côté des « méchants », même si la frontière est faible…

    Ca je le savais. Ce mec avait un cœur d’or. Où du moins c’était ce que je croyais.

    .    Tu pourrais laisser faire la police, proposai-je doucement.

    .    Tu parles ! Au moindre petit truc, ils s’enfuient. La police, c’est juste pour faire joli-joli, et mettre des contraventions à ceux qui sont mal garés !

     

    Je secouai la tête pour chasser ces images qui me faisaient si mal, et tapotai l’épaule du gros roux. Si mon ex m’avait enseignée une chose, c’était bien celle-là. Ne faire confiance qu’à soit même.

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :